Être un lundi au coeur d’un prestigieux vignoble et d’un grand chocolat à Tain l’Hermitage [1] jury des championnats du monde de pâté croûte [2], goûter 12 superbes pâtés (attention pas les tranches entières non quand même) en les accompagnant des grands vins de notre hôte Michel Chapoutier [3]qui vont crescendo au fil de la dégustation, puis arroser le tout en attendant les résultats, ça c’est fait. Mais quand même, être à 10 minutes de train de Valence et de la meilleure femme chef du monde [4] ça donne à réfléchir, impossible vous imaginez bien de ne pas en profiter.
Donc le mardi matin après une longue marche détox le long du Rhône, nous voilà parties à deux [5] pour un déjeuner d’exception à la Maison Pic [4]. Ah oui quand même, ma dernière visite remonte à 2007 [6], comme le temps passe.
Un fois franchie l’entrée très sobre du 285 avenue Victor Hugo, on accède à l’univers calme et feutré de cette belle maison.
Que ce soit dans les salons ou dans les salles du restaurant, on a toujours une vue sur les magnifiques jardins.
Les mises en bouche qui accompagnent l’apéritif sont servies dans les salons avant de passer à table. Cromesquis d’escargots de l’Ardèche, coeur coulant oseille et estragon, Crémeux d’anguille fumée, tuiles de riz au sésame noir, zestes de pamplemousse confit, Guimauve parfumée au curry et noix de cajou. Nous commençons en douceur et légèreté.
Table et verdure toute proche …
Coup de coeur pour les magnifiques et lourds verres en cristal de Baccarat [7] et la vaisselle très originale. Le service est à la fois discret et chaleureux, donc parfait…
Mise en bouche de saison, un cèpe tout simplement saisi au tepanyaki [8] et cuit sous cloche. Pour mettre en valeur sa complexité aromatique et le sublimer, Anne Sophie [9]le sert avec un consommé au grué de cacao et feuilles de figuier et de la ventrèche de porc gascon. Quelques feuilles de shiso vert pour le côté épicé et mentholé. Une entrée légère et simplement gourmande qui ouvre l’appétit.
Très belle émotion et plus encore pour ces berlingots au crémeux de chèvre de banon légèrement fumé servis avec un consommé au cresson infusé au gingembre et à la bergamote, accompagnés de pousses de moutarde de chine, d’oxalys, de pourpier et de fleurs de komatsuna. Une recette signature [10] exceptionnelle par la douceur en bouche et l’équilibre des sensations entre l’amertume, le piquant et le floral.
Ah, pas pour moi ce plat, trop marqué noix de coco, mais impossible de ne pas en parler, c’est juste impressionnant. La Saint jacques de Normandie, jus de cuisson naturel au rhum vieux et truffe blanche d’Alba. La Saint jacques est cuite hermétiquement dans de la pulpe de noix de coco, étonnant non ? Pour la préparation le plus difficile c’est de retirer l’enveloppe de la noix de coco en gardant la pulpe très blanche intacte. L’eau de coco permet une cuisson à l’étuvée et la cuisson se fait à très haute température. Anne Sophie dit que ce plat c’est un peu une revisite du chausson aux truffes de son grand père.
Le maître d’hôtel entaille soigneusement la pulpe puis, à table, une fois le couvercle enlevé on peut humer les saveurs qui s’en échappent.
Pas de coco pour mes Saint-Jacques juste saisies au tepanyaki, céleri branche, jus acidulé. A la fois fermes, moelleuses, translucides et délicates, une cuisson parfaite et une belle fraîcheur en bouche.
Un autre grand moment : petits rougets de Méditerranée, bouillon floral au safran, citron Kabosu [11], citronnelle et amaretto accompagnés de pétales translucides de butternut et mousseline de potimarron à l’amaretto. Je ne suis pas fan de safran et je crois que c’est la première fois que je suis bluffée par cet équilibre éminemment subtil qui atténue la puissance aromatique du safran, une vraie révélation. Anne Sophie explique que ce bouillon monté au beurre de kabosu (un agrume japonais récolté vert avec des notes de concombre, menthe, sève de pin et iode) est réalisé minute, avec un dosage très précis pour des saveurs au plus proche du goût et de la nature.
Pomme de ris de veau de lait au poêlon, café Liberica [12] et gruyère caramel, artichauts poivrade, café et câpres séchées : impossible de passer à côté du ris de veau qui me rappelle tant mon enfance. Ici la pomme est pochée dans un lait de fondue moitié vacherin Fribourgeois [13], moitié gruyère caramel* puis rôtie au poêlon dans un beurre de café. Cette association ris de veau fromage et café marie acidité gourmande et onctuosité. Et quelle belle surprise en bouche que cet artichaut poivrade, saisi à la plancha avec du beurre de café, déglacé au whisky puis roulé dans une poudre de café Liberica et de câpres séchées. Un mélange incroyable de saveurs inattendues qui ravissent le palais.
Le gruyère caramel est un gruyère AOC affiné pendant de très nombreux mois pour obtenir naturellement la texture caramel, il est produit par Jacques Duttweiler un des derniers fromagers affineurs de Suisse romande et bien sûr un des fournisseurs du Beau Rivage Palace de Lausanne [14], ceci explique cela …
A la lecture de notre menu nous avions prévu de zapper le fromage… Et bien non, pas du tout, nous étions même très impatientes de découvrir le Brie de Meaux à la vanille bourbon. Le brie ou plutôt une fondue de brie très vanillée pochée au siphon sur une fine tranche de pain croustillante, vous tapisse le palais tout en rondeur et c’est juste d’une incroyable légèreté, j’en aurais même mangé un autre, c’est tout dire. A goûter absolument …
Il est temps de passer au sucré, ce n’est pas le tout ça, nous avons un train à prendre. Dans le choix des desserts proposés nous avons flashé sur le Mille-feuille Blanc, crème légère à la vanille de Tahiti, fine gelée au jasmin, glace royale citronnée croquante et fondante sur le dessus, mousse de lait au poivre Voatsiperifery [15]. Pour Anne Sophie, c’est la quintessence d’un dessert [16], il allie pureté, gourmandise, légèreté et surprise.
Et à l’intérieur on découvre le feuilletage croquant et la douceur de la crème. Quant à la mousse de lait, là encore elle est aérienne, le poivre de Madagascar au goût d’agrumes et de fleurs accentue l’arôme du jasmin et donne de la vivacité. Un conseil, ne passez pas à côté, c’est juste somptueux.
Pomme, poire et chocolat pour les mignardises, là en vrai, nous commençons à caler…
Juste pour le plaisir de goûter et d’apprécier aussi le dressage nous avons eu droit chacune à un autre dessert, ciel l’effet Meilleur Pâtissier ! Pour moi, look girly japonisant avec Le thé Sencha dans l’esprit d’un vacherin crème légère au géranium rosat, glace gingembre et thé Sencha, coeur coulant passion mangue… Dommage de ne pouvoir le terminer.
Pour ma compagne de table, Le Citron Kalamansi, crème d’avocat, feuille de cannelier, sorbet coco-sudachi (vous comprenez pourquoi on ne me l’a pas proposé !) variations de confits.
Après un tel déjeuner et toutes ces émotions gustatives, il est temps d’aller visiter l’impressionnante cuisine immaculée… Sur le mur de droite la cave du jour.
A gauche, à côté du portrait d’Anne Sophie en début de billet, on découvre les personnages qui ont marqué la saga familiale : André, son grand père et Jacques son père .
Fin de service dans la magnifique et immense cuisine d’un blanc éclatant. Il reste encore quelques bries de Meaux à envoyer…
Ici aussi on travaille en pleine lumière avec vue sur un autre jardin
Le magnifique et très ergonomique fourneau Molteni [17] fabriqué sur mesure comme il se doit, avec induction, tepanyakis et ce n’est pas tout …
L’espace passe plat et le plafond avec jeux de miroirs et hottes discrètes et bien intégrées
Au premier, dans l’espace boulangerie et pâtisserie rencontre avec le chef pâtissier, Eric Verbauwhede. [18] Anne Sophie souriante et détendue nous explique avec passion et simplicité la marche de ce bel empire gastronomique.
Photo souvenir… Un tel moment ne s’oublie pas ..
Que dire de plus ... Un déjeuner exceptionnel, hors du temps. La cuisine d’Anne Sophie Pic est éminemment féminine bien sûr, toute en délicatesse, raffinement et élégance, d’une exactitude rare dans l’équilibre des saveurs et finalement très sensuelle. Une table à découvrir ou redécouvrir absolument. J’avais déjà beaucoup apprécié en 2007 et 8 ans plus tard son art est encore plus abouti. Mais jusqu’où ira-t-elle ! Elle parle d’ailleurs avec beaucoup de poésie de sa constante recherche de perfection et c’est ici -clic-. [9]
Infos pratiques :
285, avenue Victor-Hugo, 26000 Valence
Tel: +33 (0) 4 75 44 15 32
Email : contact@pic-valence.com
Prise de commandes :de 12h00 à 13h30 et de 19h30 à 21h30.
Fermé le dimanche soir et le lundi.
Enjoy